Paul-Henri, tu es acousticien chez CUB. Est-ce que tu peux nous expliquer en quelques mots en quoi cela consiste ?

Faire en sorte que les gens ne s’entendent pas…dans le sens positif ! J’essaie de mettre les moyens en œuvre pour que les usagers des bâtiments que nous concevons puissent vivre ensemble sans être importunés par les bruits voisins, les éléments perturbateurs. C’est très lié à la notion de confort des usages.

Comment es-tu venu sur ce métier ?

Au départ je voulais faire du montage son en post-prod dans l’audiovisuel. C’est un monde passionnant, mais très difficile d’accès. En deuxième année de licence sciences & techniques de l’ingénieur, tout le monde voulait faire de l’informatique et un prof nous avait dit qu’il y avait un vrai besoin dans le bâtiment. C’est à ce moment-là que j’ai découvert que le métier d’acousticien existait. Je me suis donc lancé dans une licence mécanique physique et ensuite un master purement acoustique. Cela m’a appris beaucoup de notions très techniques !

Comment ce métier a évolué ces dernières années ?

Le son c’est un phénomène physique de base, fondamental. Le monde de l’acoustique est immense. Chaque spécialisation a sa spécificité, des applications différentes, entre le bâtiment, la musique, l’énergie, la santé…

La profession insiste beaucoup sur le cout du bruit et les impacts sur la santé, les effets délétères que cela produit sur les personnes : anxiété, sommeil, surdité…c’est un vrai sujet et on a de plus en plus d’éléments objectifs pour le montrer.

Malgré cela, il n’y a pas une grosse volonté politique sur le sujet. Dans le bâtiment on met d’avantage l’accent sur les sujets environnementaux et écologiques. C’est bien sûr indispensable, mais je pense que c’est important d’avoir une vision globale et de ne pas séparer les expertises. Si tu installes plein de pompes à chaleur, il faut prendre en compte dès le départ les conséquences sur le bruit que cela génère !

Pourquoi est-il important d’avoir une expertise acoustique au sein d’une équipe projet ?

Tu es au courant de tout ce qui se passe, tu peux avoir un œil sur chaque dossier. Cela permet de débloquer des situations au quotidien, en temps réel. Cela amène une vision d’ensemble et permet tout de suite d’identifier les impacts des choix de conception sur l’acoustique. On est dans l’échange, ça évite de morceler ou de différer cette réflexion, comme cela peut être le cas parfois avec un BE externe. Le plus important c’est d’être suffisamment en amont des choix pour avoir des marges de manœuvre sur les différentes parties du bâtiment qui impactent l’acoustique : cloisons, déco, sols, plafonds, volumes, formes…

Un autre point, c’est que cela me permet des retours d’expériences sur les applications en chantier, vu qu’on est en lien direct avec nos conducteurs de travaux. En amélioration continue c’est super précieux, on me renvoie tout de suite ce qui marche et ce qui ne marche pas.

C’est quoi une approche acoustique réussie dans un projet ?

Un projet réussi acoustiquement, il réussit à se passer de l’acoustique. Ce n’est plus un sujet. C’est du bon sens : si tout est bien réfléchi au départ et en anticipation, on n’aura pas de problématique et on n’en parlera pas. Les choses seront simples !

Chez CUB, l’acoustique est abordée comme une composante des projets de conception. Mais peut-on l’envisager comme une prestation à part entière ?

Oui, car être acousticien c’est aussi intervenir sur de l’existant. L’expertise peut te donner la possibilité de faire du correctif. Par exemple : « cette pièce résonne trop, comment on peut faire ? ». On est capables de faire de l’accompagnement et du conseil sur ce type de besoin. C’est très stimulant car on part déjà avec des contraintes fortes et il faut être astucieux pour trouver des solutions. Cela peut être stressant aussi car en acoustique le résultat est tout de suite mesurable et imparable !

On a récemment structuré une offre de service spécifique acoustique, elle comprend de l’aide à la décision en phase conception mais aussi tout ce qui est mesure et préconisations pour tous les types de bruits : aériens, chocs, équipements techniques, réverbération, environnement proche…

Dans une expertise qui se base beaucoup sur la mesure, les technologies, les outils…utilises tu ton oreille ?

Je ne peux pas m’empêcher de taper des mains ou claquer des doigts quand je rentre dans une salle pour écouter comment elle sonne. C’est un réflexe. Le feeling est là tout le temps, inconsciemment.

La mesure est complétement objective mais l’acoustique c’est aussi un ressenti. C’est parfois une difficulté car deux personnes peuvent ne pas du tout supporter de la même façon un environnement sonore. On utilise donc aussi nos oreilles pour écouter ce que nous raconte l’usager, comprendre ses besoins et rester neutre. On doit intégrer comment les personnes vivent les choses. Après une intervention ça peut arriver qu’on ne gagne pas beaucoup de décibels sur le papier, mais on a des retours sur le ressenti qui sont énormes. Donc c’est vraiment un mix des deux.

Quelles sont à ton avis les prochaines évolutions qui vont toucher le métier ?

Il y a des innovations de toutes sortes. Je peux te donner quelques exemples locaux : les Nantais d’EQUIUM développent en ce moment des pompes à chaleur alimentées par l’énergie du son. C’est de la thermoacoustique : les ondes sonores font un travail de compression-décompression qui peut servir à produire du chaud ou du froid.

Une startup au Mans, METACOUSTIC, travaille un meta-matériau mince et capable de bloquer le bruit. J’ai également vu passer la proposition de VIBISCUS qui propose de limiter les bruits dans les conduits de ventilation sans mettre en place de piège à son (dispositif permettant de capter les sons dans un flux d’air). Je reste attentif à leurs évolutions. Bref, il y a de quoi faire !

As-tu une anecdote rigolote à nous partager qui t’est arrivé lors d’une mission ?

Je faisais des mesures dans l’environnement pour avoir le niveau sonore avant implantation d’un bâtiment. C’était à côté d’un centre de loisirs et les enfants étaient dehors. J’enregistre l’audio, je mets mon sonomètre, et je m’éloigne pour ne pas polluer la prise. Je rentre au bureau, je dépouille et je vois une courbe de volume anormale à un endroit. J’écoute : un des gamins avait vu le micro et m’avait fait cadeau de tous les gros mots de son répertoire !

Es tu sensible aux autres formes d’expression sonores que celles qui tu es amené à gérer dans les projets architecturaux ?

Beaucoup d’acousticiens sont musiciens. Donc il y a une vraie passerelle, une passion sur le son. Je suis très musique, très sensible aux bandes sons de film. On a un biais professionnel, on analyse toujours ce qui nous entoure. On est sans doute les usagers les plus exigeants !

Merci Paul-Henri !